Qu’est-ce qu’un vegan ? Interview de Camille Labrosse notre experte en nutrition
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Qu’est-ce qu’un vegan ? C’est la question que l’on a posée à Camille Labrosse notre experte en nutrition et diététique végétarienne. Camille est devenue végane il y a 6 ans et dans cette interview, elle répond à toutes nos questions pour lever le voile sur tous les préjugés qu’on se fait du véganisme. C’est quoi être végan et être végétalien ? Quelles sont ses recommandations ? Quels sont les arguments derrière cette démarche ? Et surtout, dans cette interview, on va démêler le vrai du faux et tordre le coup à beaucoup d’idées reçues sur les végans. Des idées, que même nous avons eues !
Pour retrouver Camille :
- Son blog sur sa transition végane: omnitovegan.com
- Instagram: @omnitovegan
On parle de quoi ici ?
Camille qu’est ce qu’un vegan ?
Mélissandre : Aujourd’hui, on accueille au micro des Écolos Imparfaits Camille du blog Omni To Vegan. Bonjour Camille, est-ce que tu peux te présenter en quelques mots ?
Camille Labrosse : Bonjour, je m’appelle Camille Labrosse, j’ai 28 ans et je tiens un blog sur le véganisme qui s’appelle Omni To Vegan. C’est un blog pour aider les gens à devenir véganes et les aider dans leur transition vers ce choix de vie. Je suis végane depuis 2016, donc cette année ça va faire 6 ans.
Mélissandre : Avant de partir sur ton parcours, est-ce que tu peux expliquer ce que ça veut dire « vegan » ? Parce que je pense à beaucoup de gens qui confondent avec d’autres choses, notamment par rapport au régime végétarien.
Camille Labrosse : En fait, être végane, c’est d’éviter autant que possible l’exploitation animale. Souvent ce que les gens retiennent c’est l’alimentation. Avoir une alimentation végétalienne ça veut dire sans produits d’origine animale. Etre végane c’est aussi tout le côté vêtements, loisirs, cosmétiques etc… C’est essayer de limiter au maximum son impact et l’exploitation des animaux autant qu’on peut.
Je dis autant qu’on peut, parce que c’est impossible d’être végan à 100 %. Ça n’existe pas en fait. Ce n’est pas de la pureté qui est recherchée. C’est vraiment d’essayer de faire de son mieux pour réduire dans tous les aspects de sa vie l’exploitation des animaux.
L’élément déclencheur derrière le véganisme
Mélissandre : C’est quoi qui a été le déclencheur ? Est-ce qu’il y a 6 ans tu t’es réveillée un matin et tu t’es dit « tiens j’en ai marre, c’est horrible j’arrête ! » ?
Camille Labrosse : Tu rigoles mais un peu ! Moi au départ ça a démarré parce que je voulais changer d’alimentation. J’avais l’impression de manger toujours la même chose et aussi bêtement que ça, ça a démarré par « Ah tiens en fait ils mangent quoi les végétariens ? ». J’ai regardé un peu des recettes, j’ai essayé des trucs, j’étais toute contente avec mon tupp’. J’allais au boulot en disant « c’est une recette végétarienne, regardez c’est trop bon ! ». Les gens n’avaient pas l’air hyper emballés, mais moi j’étais contente de mon truc.
Puis, forcément de fil en aiguille, je me suis intéressée vraiment au cœur du sujet. Je suis allée regarder un peu des vidéos de gens, et ça m’a petit à petit intéressée à la démarche et à l’éthique. Je me suis intéressée au pourquoi les gens sont végétariens. Ça a pris quelques semaines, quelques mois ce début de démarche là. Après j’ai regardé le documentaire ultime : Earthlings. C’est vraiment abominable en fait. C’est très violent, mais de c’est de la réalité brute sur ce que les animaux subissent dans les abattoirs et pour justement toutes les thématiques de la vie. Il y avait pour l’alimentation, ce qu’on fait aux animaux de compagnie, l’élevage, les abattages, tous les labos etc…
Ça m’a dégoûtée, et presque après du jour au lendemain je me suis dit « c’est bon je vais devenir végane ». J’ai commencé à me renseigner vraiment pour savoir comment le faire en pratique après avoir eu mon pourquoi. J’ai fait dû faire 2 mois végétariens en essayant de faire un peu des concessions avec le fromage dans les restos mais ça n’a pas duré très longtemps. Au final je pense que dès le départ je m’étais déjà décidée à devenir végane.
Mélissandre : C’est intéressant ce que tu dis, parce que les gens qui sont véganes ont souvent une phase végétarienne et pour toi ça a été quasi instantané.
Camille Labrosse : Voilà ! To vegan directement. C’était très rapide.
Pourquoi devenir végane ?
Mélissandre : Tu me dis que ça a été plutôt une crise de conscience sur tout ce qui se cache derrière l’industrie alimentaire, l’élevage intensif mais pas que. On va en reparler après, mais il y a un petit peu un mythe autour de la « viande heureuse », où tout va bien et on vit dans un monde de bisounours. Quels seraient les arguments majeurs pour toi à compléter de toute cette souffrance et l’exploitation animale pour devenir végane ?
L’éthique et l’environnement au cœur du véganisme
Camille Labrosse : Je vais répondre à titre personnel, après chacun met les choses à son niveau de sensibilité. En premier pour moi, le déclencheur a été l’éthique. Juste derrière ou quasi au même niveau, il y a tout ce qui touche à l’environnement et aux ressources. Tout ce qu’on jette, tout ce qu’on produit, comment c’est fait, les ressources que ça prend, le coût humain et finalement le capitalisme au sens large. Peut-être en dernier, je dirais la santé. Sur cet argument, au bout de ces 6 ans de véganisme, j’ai aussi évolué dans mes approches et dans mes opinions. Je mets en dernier la santé, parce que ce n’est pas parce qu’on est végan, qu’on va forcément être en meilleure santé que quelqu’un qui ne l’est pas.
Une alimentation végane peut être totalement différente d’une personne à une autre selon les produits qu’on consomme. Ça diffère si on mange brut ou pas, si on prend beaucoup de produits industriels ou pas, on peut aussi manger beaucoup de sucre et de gras en étant végan. C’est pour ça que l’argument santé est beaucoup plus nuancé.
C’est certain que si on consomme plus de végétaux, on a plus de fibres et de choses bonnes pour la santé mais c’est à nuancer en fonction des produits qu’on choisit.
Mélissandre : Selon les habitudes de chacun ça change aussi. Comme être végétarien, au final si tu ne manges que des pâtes ce n’est pas forcément sain non plus.
Camille Labrosse : Ça dépend vraiment de ce qu’on va mettre concrètement dans notre assiette. Même si on va cocher l’étiquette « vegan », les conséquences sur la santé ne vont pas forcément être les mêmes d’une personne à l’autre. C’est aussi une des difficultés qu’il peut y avoir dans les études scientifiques d’ailleurs. Des fois, ils font des recherches sur des panels de personnes qui ne sont pas représentatives. Ils vont chercher des lacto-végétariens, des véganes ceci cela, mais au sein même de ces petits groupuscules, il peut y avoir plein de différences.
Il faut plus se concentrer sur un suivi alimentaire précis plutôt que juste dire « moi je coche la case végétarienne, du coup je vais dans ce groupe-là ».
Qu’est ce qu’un vegan ? Il n’y a pas qu’un végan possible
Mélissandre : C’est clair que c’est plus nuancé. Il y a vraiment dans notre société un besoin de mettre une étiquette ou une case alors que c’est un peu plus compliqué. C’est d’autant plus vrai quand tu es en face de quelqu’un qui ne connait pas tout ça. Si la personne n’arrive pas à te mettre d’étiquette ou te placer dans une case, ça devient compliqué.
Camille Labrosse : Et puis tout dépend des motivations de départ aussi. Ça influe aussi énormément sur ce qui va se passer concrètement dans tes actions et dans ce que tu vas consommer. Si on reste vraiment sur l’alimentation, les gens qui sont devenus véganes pour l’éthique s’en fichent peut-être de manger des aliments complets ou bio. Alors que quelqu’un qui va être végan pour le côté santé va faire attention. De même, si toi l’argument principal est environnemental, tu vas faire très attention à comment c’est fait, les origines etc.
Mélissandre : Quand je t’avais contactée, je t’avais dit que je venais de terminer un bouquin qui s’appelle « Voir son steak comme un animal mort ». En fait c’est une analyse un petit peu psychologique et sociologique du « pourquoi être végane ». Parce que végan c’est ce que tu nous dis, ce n’est pas seulement l’alimentation, ça devient politique aussi. Et dans ce livre, la différence du « pourquoi je le fais » est clairement expliquée. Pourtant, peu importe ton pourquoi, la logique de devenir végane est très déstabilisante. Au point qu’on se dit « mais comment on n’a pas pu s’en rendre compte avant ? ».
Sur le critère environnemental, on en parle un petit peu sur le blog. Quand on sait que l’élevage représente 75% des terres cultivables, pour héberger les animaux ou pour les nourrir, ça fait réfléchir. Tout ça pour faire pousser la nourriture que les bêtes doivent manger, alors qu’on pourrait sauter une étape et la manger directement.
Tu vois, quand tu y réfléchis bien, c’est assez aberrant de voir le gaspillage et l’exploitation démesurée de ressources qui gravitent autour de l’élevage. D’un point de vue strictement environnemental, l’action la plus écologique est de devenir végane.
Camille Labrosse : Oui, a minima végétalien en ce qui concerne toute cette section alimentation. C’est déjà un énorme poids.
Le vrai du faux et les idées reçues sur le véganisme
Mélissandre : Maintenant qu’on a un petit peu déblayé le véganisme, je te propose qu’on parle des idées reçues qu’on peut avoir sur le sujet. Notamment, démêler le vrai du faux et tordre le cou à tous ces fausses idées qui circulent encore. L’idée c’est que toi tu nous donnes ton retour d’experte, après 6 ans de véganisme.
Est ce qu’un vegan doit forcément se complémenter pour éviter les carences ?
William : Je pense qu’il y a beaucoup de chosent qui circulent, c’est bien aussi de montrer aux gens pour nuancer ce qu’on lit partout. Quand on essaie de devenir végane, on a plein de préjugés. Notamment je pense à celui qui dit : « quand on est végane on est obligé de prendre des compléments alimentaires ». Qu’est-ce que tu réponds à ça ?
Camille Labrosse : Je dirais que c’est plutôt vrai dans une certaine mesure. Pour la vitamine B12, c’est obligatoire. Sur le papier, les sources accessibles pour les véganes et les végétaliens ce serait soit les produits enrichis qui sont eux-mêmes complémentés, soit les compléments. Pour la vitamine B12, en France on n’a pas énormément de produits enrichis en B12 et il faut faire attention à la conservation et la dégradation de la vitamine. Donc, la recommandation actuelle, c’est vraiment de se complémenter régulièrement. Alors, il y a différentes posologies, différentes fréquences de prises adaptées à nos besoins. C’est le plus facile et ce n’est pas très cher. Il n’y a aucune raison de ne pas le faire, et ce serait dangereux de ne pas le faire y compris pour les végétariens.
Donc ce n’est pas tellement une idée reçue de dire qu’on est obligé de prendre des compléments alimentaires. C’est même vrai pour la vitamine B12.
Est ce qu’un vegan est en moins bonne santé qu’un omnivore ?
William : Est-ce que c’est aussi vrai pour une personne qui est omnivore ? Parce qu’on pourrait se dire qu’aujourd’hui, c’est assez difficile d’avoir des aliments de qualité même dans le bio. Je pense que ça ne serait pas faux non plus de dire qu’un omnivore devrait aussi se compléter car les gens n’ont pas le réflexe d’aller chercher les nutriments un peu partout. Quand on commence à se tourner vers ces régimes, généralement on essaye aussi de se renseigner sur les apports nutritionnels.
Camille Labrosse : Oui, il y a aussi de ça. C’est une certitude que quand on est végane, il y a certaines choses à surveiller dans son alimentation. D’un autre côté, on ne parle pas assez des gens omnivores qui devraient aussi faire attention à certaines choses.
J’ai l’impression que c’est beaucoup moins diabolisé. Quelqu’un qui va manger trop de saucisson, on sait tous que ce n’est pas bon mais on ne va pas venir l’enquiquiner tous les 4 matins par rapport à ça. On ne va pas lui dire « Oh lala tu dois être constipé toi parce que tu ne manges jamais de fibres ! ». Tous ces sujets, on n’en parle pas vraiment. Pourtant, si on prend l’exemple des fibres, énormément de gens n’en consomment pas assez. C’est un problème qu’on n’a pas quand on est végane. Souvent, on mange plus de fibres, on a un meilleur transit et donc on se sent beaucoup mieux !
Mélissandre : Et on va aux toilettes 3 fois par jour !
Camille Labrosse : C’est à peu près ça ! En fait il y a un côté qui fait plus peur, et donc on se dit « Ah les véganes doivent être carencés, il faut qu’ils fassent très attention ! ». Je pense que tout le monde devrait faire attention mais peut-être pas sur les mêmes éléments.
Mélissandre : Je pense que c’est une question de norme aussi. Tu parlais des gens qui mangent beaucoup de viande, et qu’on ne va pas embêter, mais parce qu’aujourd’hui malheureusement la norme c’est de manger comme ça.
Camille Labrosse : C’est vrai que si tu manges de la viande 1 fois par jour voire 2, pas grand monde va venir vous embêter à dire « tu devrais réduire ». Par contre, nous on nous embête beaucoup à nous dire « tu ne manges pas ça, fait attention, comment tu fais ? ». Tout ça c’est aussi beaucoup par méconnaissance du sujet.
C’est quoi la fameuse vitamine B12 et où on la trouve ?
Mélissandre : Est-ce qu’on peut revenir un petit peu sur la B12, pour ceux qui nous écoutent et qui ne savent pas ce que c’est ? Ce que j’ai compris, c’est que c’est une vitamine qui est essentielle pour le bon fonctionnement de l’organisme humain et qu’on ne retrouve que dans les produits animaliers. C’est ça ?
Camille Labrosse : Alors on la retrouve, dans les produits d’origine animale, surtout la viande et peut être même dans les fruits de mer et les compléments. A la base la vitamine B12, elle est produite par des micro-organismes que ce soit dans un animal ou dans un complément alimentaire. Ce sont toujours des micro-organismes qui produisent cette vitamine. Par exemple, les vaches ont dans leurs intestins des bactéries, qui peuvent produire la B12 mais de manière différente de nous. Nous, on n’a pas tout ça. En tout cas, nous n’avons pas cette capacité, à autoproduire notre propre vitamine. C’est pour ça que l’on doit l’apporter par l’alimentation.
L’origine est toujours la même, c’est toujours bactérien.
Attention aux idées reçues sur la B12 pour ne pas se mettre en danger…
William : Il me semble aussi je crois, qu’il n’y a qu’une plante qui l’a naturellement. C’est une algue douce, la spiruline non ?
Camille Labrosse : Ça c’est une des idées reçues justement ! Souvent, ce sont surtout des analogues à la vitamine B 12 qu’il va y avoir dans les algues ou alors de la vitamine B 12 mais que nous ne pouvons pas absorber. Cette vitamine dans les algues, ne va pas être active. C’est justement une fausse bonne solution, qui peut aussi mettre des gens en danger ! Ce n’est pas du tout une bonne source de vitamine B12. On se bat pour essayer de démentir cette idée-là, parce que c’est ça peut être dangereux. On peut se sentir protégé alors qu’on n’a pas du tout ses apports. Le pire, c’est le double effet : comme ce sont des analogues proches, ça peut masquer une carence aux analyses. Ça va sous-estimer le taux réel de B12 qu’on va avoir dans le sang.
William : J’avoue que cette info, je l’avais vu dans un livre de naturopathie qui date de 20 ans donc c’est sûrement obsolète aujourd’hui.
Camille Labrosse : Par exemple la naturopathie, ce ne sont pas du tout mes copains ! C’est une pseudo science pour moi. Le problème c’est que tout n’est pas faux et pour démêler le vrai du faux dans la nature c’est compliqué. Il y a beaucoup de trucs qui découlent un peu du bon sens et puis il y a d’autres trucs qui vont sortir d’on ne sait pas trop où et basés sur on ne sait pas trop quoi.
William : Moi je m’y intéresse, il y a des bonnes choses à apprendre mais j’aime avoir cet aspect un peu plus scientifique derrière.
Je sais qu’il y a des choses un peu farfelues. Par exemple le régime Adamo, c’est le fameux régime avec le groupe sanguin qui dit que selon ce dernier, il faudrait avoir une certaine alimentation. Sauf que ça n’a jamais été vérifié ou fondé.
Camille Labrosse : On dirait plus un horoscope ! Ça a l’air séduisant et amusant. Je pense que c’est ça aussi peut être qui intéresse les gens, c’est que ça a l’air ludique. Sauf que des fois ce qui a l’air marrant ce n’est pas forcément la réalité. C’est vrai que la science a ce côté un peu moins sexy, mais des fois c’est le meilleur qu’on ait pour démontrer les choses.
Et l’argument de l’Homme qui doit manger des animaux par nature ?
William : Pour revenir dans les idées reçues, il y a aussi l’argument qui dit que l’homme doit forcément manger de la viande. Qu’est-ce que t’en penses de quelqu’un qui te dirait : « C’est contre-nature d’être végane l’homme doit manger des animaux, on a toujours fait ça. ».
Camille Labrosse : Il y a plusieurs choses. Quand on dit « C’est normal de manger de la viande », c’est normal dans le sens de norme. A l’heure actuelle, c’est la norme mais ce n’est pas un argument. Quand on dit que c’est naturel de manger de la viande, c’est faux. En fait, le naturel n’est pas forcément une bonne base de départ pour argumenter. Il y a plein de choses qui ne sont pas naturelles aujourd’hui et qui sont plutôt bénéfiques pour nous comme certains traitements ou outils et d’autres qui ne sont pas désirables comme une catastrophe naturelle. Définir le naturel est aussi très compliqué, à partir de quel moment quelque chose de naturel ne l’est plus ?
Je pense qu’il faut qu’on se détache de ce concept de « naturel » qui est assez flou en plus. Il faut qu’on essaie de voir les choses de manière plus pragmatique. Qu’est-ce qui est souhaitable, qu’est-ce qu’on pense être la meilleure chose à faire en fonction des données qu’on a ? Puis, est-ce que c’est nécessaire ? La réponse est non puisqu’on peut s’en passer et réadapter notre façon de vivre sans manger de la viande et être en bonne santé. Du moment qu’on fait tout ce qu’il faut pour être en bonne santé, qu’on se complémente en vitamine B12 et puis qu’on va chercher nos apports, c’est bon.
Est ce qu’un vegan peut être sportif et performant ?
William : Un autre sujet, si on prend quelqu’un qui serait végane et qui pratique déjà une activité physique. Est-ce que c’est compatible d’avoir ce régime alimentaire et d’être sportif à côté ?
Camille Labrosse : Je ne suis pas spécialisée forcément sur la nutrition sportive, mais je suis végane et je suis sportive. J’aime le sport, j’adore ça ! Il est tout à fait possible d’être sportive et performante en étant végane. Comme n’importe quelle personne qui fait du sport, et qui a envie de faire attention à ses performances, il faut manger correctement et veiller à ses apports en protéines.
Il y a aussi des protéines en poudres véganes qui existent si on a envie de continuer de prendre son shaker. Il y a peut-être un petit bémol à mettre au niveau des sources de protéines, souvent les sources végétales de protéines sont aussi une bonne source de glucides. Si on est sur les macros et qu’on fait très attention à ces choses-là, il va certainement falloir compenser avec des protéines en poudre. Sinon, on peut être endurant et sportif en étant végane !
Mélissandre : Et toi tu fais quoi comme sport ?
Camille Labrosse : Alors moi je fais du parcours !
Mélissandre : On appelle ça comment les gens qui font du parcours ? Des parcoureurs ?
Camille Labrosse : Ce sont des traceurs. C’est un piège ! Je faisais du basket aussi, un peu de yoga, bref différents sports. J’ai toujours aimé ça, et depuis que je suis végane je ne me suis pas sentie diminuée. Au contraire, au début j’étais super énergique ! J’avais l’impression d’avoir purgé d’une certaine façon un surplus. J’ai perdu 3 ou 4 kilos à l’époque. Maintenant je suis stable. Je pense que ce ressenti s’est lissé avec le temps. Je me fais aussi plus plaisir qu’au départ.
Est ce qu’on sent de gros changements dans notre corps quand on devient végane ?
William : Ça peut être intéressant de comparer ton niveau d’énergie dans une journée à ton régime omnivore d’avant. On pourrait se dire que si on mange un plat avec de la viande, c’est plus lourd même à digérer et donc on aurait plus le coup de fatigue du midi.
Camille Labrosse : C’est dur de répondre, car ça fait 6 ans que je suis végane donc j’ai un peu oublié comment je me sentais avant. C’est devenu ma nouvelle normalité. On a tous des périodes de vie différentes. Quand j’étais étudiante, peut-être que je dormais et mangeais moins bien. Puis, avec le boulot, on est toujours un peu fatigué aussi. Je n’ai pas de réponse tranchée. Je te mentirais si je te disais « Ah oui ça a changé toute ma vie, je n’ai plus le coup de barre de midi ! ». Non, c’est faux. Il y a des cas où je l’ai le coup de barre de midi.
J’ai lu des gens qui disaient « Ah c’est fou je ne ressens plus de coup de barre énorme après le déjeuner », mais ce n’est pas mon cas.
William : Pour ma part, je sais que maintenant que je mange plus végétarien, je me sens quand même mieux.
Camille Labrosse : Tu manges peut-être plus de légumes aussi ? Rien que ça, ça fait déjà une différence. D’un point de vue purement physiologique, ce n’est pas de manger un petit bout de viande une fois dans la semaine qui va faire que tu vas te sentir mal. Si tu manges plus de légumes, plus de fibres, plus de céréales et plus de légumineuses, forcément ton alimentation est déjà meilleure que 70% des gens. Si tu deviens végane demain, tu ne vas pas ressentir un shift énorme puisque tu as déjà fait le plus gros passage.
William : Ça ne m’a pas dérangé justement, je pense que je l’ai bien vécu et même très bien vécu en étant comme toi sportif. Je trouve j’ai des meilleures performances. Je fais de la musculation depuis 4 ans.
Camille Labrosse : J’ai entendu dire que les gens avaient une meilleure récupération pour la musculation en étant végane.
William : J’ai une meilleure récupération, mais j’essaye aussi de bien doser mes repas pour ne pas que la digestion empiète sur mon sommeil. C’est super intéressant pour les entraînements, une fois qu’on passe ce cap. Au début, on a toujours des préjugés quand on commence. Au niveau du fait d’arrêter la viande, on a un peu peur.
Camille Labrosse : Oui, on a peur de manquer de quelque chose parce que tout le monde nous fait peur aussi. Ensuite c’est normal et plutôt sain, de vouloir bien faire et de se dire « je vais prendre le sujet sérieusement et je ne vais pas faire n’importe quoi ».
Est ce qu’être végane c’est pas un peu extrémiste quand même ?
Mélissandre : Dans les autres idées reçues, c’est sur la position du végane. Quand on dit qu’on est végétarien, les gens ont une meilleure réaction qu’avant.
Camille Labrosse : Oui ça va mieux, parce qu’on a pris le rôle tout pourri !
Mélissandre : C’est presque un peu plus normal parce qu’on en parle beaucoup pour l’environnement et pour la maltraitance animale. Par contre, quand on dit « végan », tout de suite les gens ont une espèce de recul. Ils disent souvent que c’est trop extrémiste. Qu’est ce que tu penses de cette qualification extrémiste en tant que végane ?
Camille Labrosse : Les gens aiment bien dire « extrémistes » comme si c’était une mauvaise chose. Moi je vois plus ça comme le fait d’être radical. Je ne vois pas le fait d’être radical forcément comme une mauvaise chose. Être radical, c’est prendre la racine du problème. Moi, je sais expliquer pourquoi je fais quelles actions et je sais pourquoi je le fais. Pour moi, ça a une cohérence. Si mettre ses actions en cohérence avec ses idées c’est extrémiste alors oui je suis extrémiste.
Je fais les choses comme elles me paraissent logiques. Quand on sait aussi que tout ce qui est « admis » quand on est végétarien, cause aussi des souffrances inutiles, ça ne vaut peut-être pas mieux que de manger un steak au final. C’est peut-être vu comme extrémiste, mais en tout cas c’est logique. Si l’un comme l’autre cause de la souffrance inutile, j’arrête les deux. En fait, l’industrie laitière et des œufs, marchent avec l’industrie de la viande. C’est une question de cohérence pour moi.
Le végan et le mythe de la viande heureuse
Mélissandre : Et qu’est-ce que tu répondrais à quelqu’un qui te dirait « oui mais moi je ne mange que de la viande bio, de la viande du petit producteur près de chez moi, ces vaches pâturent gentiment dans le champ, les poules peuvent courir » ? C’est que j’appelle le « mythe de la viande heureuse ».
Camille Labrosse : On peut répondre par plusieurs approches. La première question qu’on pourrait poser à la personne qui dit ça c’est : est-ce que tu es sûr ? Souvent les gens qui tiennent ce discours, disent ça plutôt pour se rassurer. Peut-être qu’une fois de temps en temps, ils achètent ce type de production. Sauf que, quand ils vont au restaurant, ils ne savent rien de ce qu’ils mangent. Ça m’étonnerait qu’ils se retiennent de manger de la viande dans ces cas-là. C’est aussi valable quand ils vont dans de la famille ou quand ils achètent un sandwich à la gare. Est-ce qu’ils sont vraiment sûrs que c’est que de la viande heureuse du voisin dans ses champs ?
Je pense que les gens font un focus sur cette action consciente faite un jour. Ils vont l’ultra valoriser comme dire « je vais au marché » quand on y a été qu’une fois. La personne va être contente sur le moment de cette action unique, mais je ne pense pas qu’elle voit tous les autres choses qu’elle va consommer dans sa vie courante.
Deuxièmement la viande bio, tue quand même, et est quand même inutile. De plus, au niveau des ressources, parfois c’est même pire en bio car il faut plus de terres et plus de tout. Pour quelqu’un qui est végane pour des raisons d’éthique, bio ou pas c’est juste une mort bio. Le fondement de la démarche est toujours là. Je ne sais pas si ce sont les mêmes abattoirs ou pas, mais en tout cas, ils finissent de la même manière. La viande heureuse, je ne pense pas que ça existe au final.
Mélissandre : La relation de l’éleveur « bio » à ses bêtes est un peu ambiguë aussi au final.
Camille Labrosse : Je ne sais pas si le mot adéquat est « hypocrite », mais c’est se voiler la face d’une certaine manière. On se rassure en se disant « mais moi je fais déjà des choses bien, regarde je prends de la viande bio! ». Si tu regardes bien, c’est la même chose. L’animal meurt prématurément parce qu’on a décidé du jour où il allait mourir. Souvent ça arrive avant le quart de sa vie.
Et si tout le monde mangeait du bio ?
Je pense aussi que les gens se rassurent parce qu’ils vont dans un magasin bio et ont une certaine image du bio. C’est toute l’atmosphère du magasin : le vert partout, les labels, etc . Je ne jette pas forcément la pierre aux gens pour ça, c’est tout à leur honneur d’essayer de faire mieux. Je pense juste que si on se pose deux secondes, on se rend compte que ça ne change pas grand-chose en fait.
D’autant plus, que ça coûte très cher ! Déjà la viande de base est quand même chère mais dans le bio on atteint des prix très élevés. Je me pose la question si tout le monde pourrait se permettre ça. Ça ne rend pas la chose accessible à tous non plus, alors que finalement être végan l’est beaucoup plus. Ce sont des choses qui sont moins chères. Bien que ça demande plus de connaissances, de temps et d’investissement, les produits en eux-mêmes sont plus accessibles en général.
Mélissandre : Au début, quand on pensait savoir, et qu’on ne savait pas, on a fait cet amalgame de dire « si ça vient d’un élevage consciencieux, c’est différent parce que ce n’est pas produit de la même façon ». Alors que la finalité est la même. Ce que tu disais de très pertinent au niveau des ressources, c’est que le bio est pire. Ça peut surprendre, mais c’est pire car les bêtes ont besoin de plus d’espace que dans l’intensif, donc il faut faire plus de déforestation. Si on ne prenait rien que l’argument environnemental et pas seulement l’éthique, manger de la viande bio n’est pas tenable.
Camille Labrosse : Oui si on veut promouvoir la viande bio, est-ce qu’à large échelle c’est faisable ?
Mélissandre : Si aujourd’hui, toute la viande et tous les produits animaux étaient faits en 100% bio et respectueux, il faudrait peut-être 10 fois plus d’espace. Je dis 10 fois, c’est un nombre au hasard mais il faudrait beaucoup plus d’espace. On serait encore plus dans la galère qu’on l’est déjà sur la gestion des ressources. C’est pour ça, que j’appelle ça le mythe de la viande heureuse. Il y a plein de facteurs qui font que ce n’est pas la bonne solution non plus.
Camille Labrosse : Je pense que c’est un argument souvent pris pour essayer de se rassurer au final.
D’autres arguments anti végans
William : Et du coup toi dans ton entourage est-ce que tu as déjà pu entendre d’autres exemples d’arguments contre le véganisme ?
Et c’est la fin de cette première partie d’interview ! En effet, on a parlé pendant près d’1h30 sur le véganisme avec Camille, alors on vous propose de découvrir la suite plus tard. Au prochain épisode, on parlera de la réaction de l’entourage quand on devient végane, comment faire quand on est invité chez des gens et aussi l’assiette idéale pour avoir tous ses apports !
Et toi tu te retrouves dans les propos de Camille ? Dis-le nous en commentaire !