Être végan en pratique, ça donne quoi ?
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Dans une précédente interview, on abordait le sujet du véganisme avec notre experte en diététique et nutrition végétarienne. Dans ce premier volet, on avait parlé des idées reçues et arguments anti-végans. Camille, avait répondu à toutes nos interrogations et balayé d’un revers de main toutes nos idées reçues sur le sujet !
Dans ce deuxième épisode de cette interview, nous abordons le fait d’être végan en pratique au quotidien. Qu’est-ce que ça mange un végan ? Où se fournir les produits spécifiques pour végans ? Comment gérer l’entourage quand on transitionne ? Comment faire quand on doit aller au restaurant ? Ce sont autant de questions auxquelles Camille a répondu !
On parle de quoi ici ?
La vision de l’entourage quand on devient végan
William : Et du coup toi dans ton entourage est-ce que tu as déjà pu entendre d’autres exemples d’arguments contre le véganisme ?
Camille Labrosse : Dans ma famille et mon entourage, j’ai quand même de la chance. Je me suis quand même pris quelques petites réflexions qu’on se prend tous un peu. Mais ça n’a jamais été trop virulent. J’ai d’ailleurs été surprise ! Il y a toujours des questionnements. Par exemple, ma grand-mère a toujours été quelqu’un de très ouvert qui mangeait déjà des produits un peu bizarroïdes quand j’étais petite. A l’époque elle nous faisait déjà manger du quinoa et boire du lait de soja. Il y a 20 ans ça ne se faisait pas encore. Par contre, ça fait 6 ans que je suis végane et à chaque fois, elle me refait le même couplet sur l’alimentation. Elle est ouverte mais elle a un discours appuyé sur l’extrémisme du véganisme, comme on en parlait dans la première partie. Ils arrivent à comprendre pourquoi la viande et le poisson, mais le lait et les œufs, c’est trop.
Je pense qu’il y a aussi la question de génération. Les gens qui ont connu la guerre et la faim n’ont pas la même vision que nous et ça se comprend d’une certaine façon. Peut-être que pour eux, on a l’air juste d’enfants gâtés qui boudons notre assiette. Alors qu’en fait ce n’est pas vraiment ça la démarche.
Donc j’ai surtout entendu l’argument extrémiste et le « c’est trop ». Je pense que si j’avais été juste végétarienne, ça n’aurait peut-être même pas été un sujet de discussion.
Mélissandre : Donc pour toi ça a été plutôt bien accepté que tu prennes un tournant végan ?
Camille Labrosse : Ça va oui. Je ne m’en suis pas pris plein la tête parce qu’il y en a qui ont du mal à faire comprendre leur démarche à leur famille. Je dirais que c’était plutôt du non-dit dans un coin. Ça grimace un peu mais bon ma famille je ne les vois pas très souvent non plus.
J’ai ma tante qui a une ferme avec un élevage. Quand dans ta famille tu as quelqu’un qui est éleveur, qui produit du lait et d’autres choses, ça peut créer des sensations un peu bizarres. Je ne suis jamais allée leur dire « c’est de la merde ce que vous faites ! », mais ça peut créer une situation un petit peu bizarre.
William : Aux réunions de famille on évitera de se mettre à côté !
Camille Labrosse : Non ça va, on ne vient plus trop vraiment me chatouiller sur le sujet, à part ma grand-mère.
Mélissandre : Ça nous fait rire, parce que ma grand-mère c’est pareil. Pour le coup, elle a vécu la guerre. Elle a plus de 90 ans. Disons que ça doit faire peut-être un peu moins d’un an que j’assume ouvertement devant ma famille, que je mange végétarien. Et encore, il y a une pression sociale qui fait que l’on n’ose pas dire non à cette autorité que l’on a depuis qu’on est petit. Donc des fois, je me disais « tant pis, vas-y mange, c’est un mauvais moment à passer ». Du coup ma grand-mère, je pense que ce n’est même pas qu’elle ne se souvient pas à cause de l’âge, c’est juste que dans sa tête ce n’est pas normal. C’est du genre à sortir le discours « oui mais moi regarde, j’ai mangé de la viande toute ma vie et j’ai plus de 90 ans ». Sous-entendu, c’est grâce à ça que je vis une longue vie. Je pense que le lien de cause à effet est encore à démontrer…
Ensuite, je comprends que la guerre et puis la privation change ta vision des choses. En même temps, à son époque on ne savait pas tout ce qu’on sait aujourd’hui sur les élevages et ce n’était pas développé de la même façon. Quand je vais chez elle c’est «Oh là là tu es compliquée hein » et aussi « le poulet c’est pas de la viande c’est de la volaille, tu en manges du coup ? » ou encore « si tu ne manges pas de poulet, j’ai du jambon blanc, c’est de la charcuterie ce n’est pas pareil ! ». Bref on est dans un autre niveau !
Camille Labrosse : Les gens ne se rendent pas compte en fait que c’est un animal mort dans tous les cas. C’est ça qui relie tous les éléments ensemble ! Ce n’est pas le fait d’appeler ça du poisson, de la charcuterie ou de la volaille. C’est pour la même cause qu’on les évite ces aliments, ce sont des animaux morts.
Être végan en pratique: les restaurants et les invitations
Toujours vérifier son assiette pour être sûr !
William : C’est marrant, mais c’est aussi choquant quand tu vas dans un restaurant et que tu dis que tu es végétarien, on te propose du poisson. Je ne comprends pas ça. Mélissandre ça lui est déjà arrivé plein de fois.
Mélissandre : C’est compliqué parce que tu renvoies l’assiette et du coup ils sont énervés parce que pour eux ils font déjà un effort de te proposer autre chose.
Camille Labrosse : Moi j’ai eu le cas ce midi, on est allé manger dans un petit bistrot syrien je crois. Donc souvent ces restaurants proposent des choses sympas pour les végans. Ils avaient un plat végan, et j’ai bien demandé qu’est-ce qui était végan dans la carte. Les assiettes arrivent, et au milieu je vois du yaourt avec dans un petit bol du fromage frais. Je crois qu’ils n’ont pas compris ! Pourquoi labelliser ça végan si en fait ils ne savent pas faire la différence entre végétarien et végan ?
Quand ça arrive, on se sent mal à l’aise parce qu’on a l’impression de passer pour des chieurs alors qu’en fait ce n’est pas notre faute ! Si c’est marqué végan, tu ne te poses pas la question. Ça m’embête parce que c’est sûrement jeté si ce n’est pas mangé et ça va à l’encontre de ma démarche.
Mélissandre : Je pense qu’il y a une méconnaissance sur ces sujets. Moi ça m’est déjà arrivé, qu’il y n’y ait aucun plat végétarien sur la carte. Beaucoup moins aujourd’hui, car maintenant ça devient de plus en plus démocratisé. Donc quand il n’y a pas de plat végétarien, je demande si c’est possible de me proposer une assiette. Et là on m’a déjà amené une assiette de pâtes au beurre. Si je voulais manger des pâtes au beurre, je les aurais faites chez moi en fait.
Camille Labrosse : Ça ou le fameux combo salade et frites. On se débrouille mais c’est vrai qu’aller au resto pour manger un plat à 15 euros comme ça, on reste sur notre faim.
Mélissandre : Faut choisir des enseignes adaptées et anticiper.
Trouver des restaurants vegan-friendly en anticipant
William : C’est pas trop pénible de trouver des restaurants si on veut sortir ?
Camille Labrosse : Ça demande un petit peu de travail en plus pour être honnête. On a des outils quand même à notre disposition. Il y a des applications sur mobile comme Happy Cow ou Vego Resto, qui permettent de trouver facilement des restaurants adaptés. Ça sert, mais c’est vrai que ça demande quand même de se renseigner. J’ai déjà eu des déconvenues. Récemment, avec mes parents qui sont venus à Paris, j’avais un peu mal organisé le séjour et j’avoue que ça a été un peu compliqué. Ce n’est pas toujours simple de trouver un restaurant qui plaise à tout le monde et où toi en tant que végan tu puisses manger quelque chose de bon.
Anticiper quand on est invité chez des omnivores
J’étais plus consciencieuse au début de mon véganisme. Je prenais les choses peut être plus à cœur en prévoyant tout à l’avance. Au début, on est plus dans une énergie d’explication : si j’explique aux gens, ils vont comprendre, et ils vont devenir végan ! C’est quelque chose qu’on apprend à ne plus trop faire avec le temps. On se rend compte que ça ne marche pas. J’ai été convaincue que si j’expliquais par A+B, ils allaient comprendre et surtout bien le prendre. Mais pas du tout !
La clé c’est vraiment d’anticiper. Par exemple, appeler les restos à l’avance et d’expliquer qu’on est végan. Ça m’est déjà arrivé qu’ils acceptent et donc le chef prépare une assiette vraiment juste pour moi. Il y a même des gens qui mangent avant d’aller chez des invités. Il y a plein de façons de faire, en amenant des plats à partager pour faire découvrir tout ce qu’on peut faire quand on est végan. C’est toujours bien pris d’amener un truc pour partager donc souvent je mets un peu les bouchées doubles de ce côté !
William : Ou aussi quand tu es invité, si les gens le prennent bien faire une soirée spéciale végan.
Camille Labrosse : Faut savoir avec qui le tenter ou pas, ça peut passer avec des amis je pense mais peut-être moins bien avec la famille.
William : Même quand tu vas au restaurant, pour les chefs qui cuisinent, qu’est-ce que ça change pour eux d’avoir des végans s’ils doivent déjà gérer les allergies ?
Camille Labrosse : C’est encore un sujet qui me révolte ça par contre. J’aurais pu mourir plein de fois si j’avais été allergique. Si mon éviction alimentaire était due à des allergies, j’aurais pu crever des dizaines de fois. Le nombre de fois où on m’a mis des œufs sur de la pizza, une pizza soi-disant végane, que j’ai renvoyé 2 fois parce qu’une fois ils ont juste retiré l’œuf. Si j’étais allergique, là je claque dans leurs mains ! Des fois il vaut mieux dire que tu es allergique plutôt que végan. C’est malheureux mais ils prennent les allergies plus au sérieux.
Mélissandre : Ils ne veulent pas prendre le risque de devoir appeler les pompiers ou d’avoir un décès dans leur établissement.
Camille Labrosse : C’est un bon point que tu soulèves. Les gens qui sont vraiment malades, qui sont vraiment des intolérants au lactose, si on leur met du lait dedans ce n’est pas gérable. Comment tu fais quand tu es allergique si déjà les gens ne prennent pas au sérieux un régime alimentaire.
Comment remplacer les produits animaliers dans son alimentation ?
Remplacer les protéines animales facilement
Mélissandre : Justement, parlons un peu de ce qu’il y a dans l’assiette. En pratique, devenir végan pour quelqu’un voilà qui voudrait commencer, par quoi tu remplaces les produits animaliers ? Que ce soit la viande, les œufs, les produits laitiers, comment tu fais et est-ce qu’il y a des endroits où tu peux toujours te fournir plus facilement ?
Camille Labrosse : Qu’est-ce que je remplace vraiment au sens strict ? Je suis une grande fan de céréales pour le petit déjeuner et ça n’a pas changé. Quand je suis devenue végane, j’ai remplacé le lait de vache par du lait de soja. C’est mon préféré, mais il en existe plein de laits végétaux différents : lait de du riz, lait d’avoine, lait d’épeautre… J’ai entendu dire que le lait d’avoine était vraiment pas mal aussi au niveau empreinte écologique parce qu’on peut le produire en France. Donc pour les produits laitiers, il suffit juste de trouver le lait végétal qu’on préfère.
J’ai une petite recommandation sur la nutrition, ce serait de le prendre vraiment enrichi en calcium. Parce que le lait végétal est une source très facile de calcium. Avec un bol le matin, une petite tasse de chocolat chaud le soir et le reste de l’alimentation, le quota journalier est largement atteint. Sinon il faut prendre d’autres sources dans sa journée. C’est pour ça que le plus simple je trouve, c’est le lait végétal enrichi.
Pour le beurre, je prends de la margarine. On a de très bonnes margarines maintenant comme la fruit d’or 100% végétale. Pour la viande, je remplace par plus de légumineuses. Il n’y a pas que les légumineuses. Il faut prendre en compte tout le combo de l’alimentation dans son ensemble, parce qu’il y a des protéines partout ! Il faut juste manger varié, à sa faim et avec des bonnes sources de protéines. Par exemple, les pois cassés, les haricots secs, les tofus etc.
Où se acheter des produits végans ?
Pour se fournir, ça dépend des produits. Par exemple, pour le tofu, il vaut franchement mieux aller dans des magasins bios ou dans des épiceries asiatiques. Le tofu bio de supermarché, ce n’est pas super bon. Pour les laits végétaux en supermarché, je n’ai rien à dire mais leur tofu n’est pas bon. Dans les épiceries asiatiques, il y a des tofus nature en gros paquet vraiment pas cher.
Sinon pour les protéines, dans les pâtes ! Dans les pâtes, il y a aussi beaucoup de protéines. Si on combine toute notre alimentation ensemble, on n’a pas de carence. C’est aussi une idée reçue de s’inquiéter du manque de protéines. Il n’y a pas de problème, si on mange à sa faim, varié, en incluant des bonnes sources de protéines. Il y a plein de produits à base de végétal qui sont très bien pour ça. Par exemple il y a des yaourts végétaux aussi.
Maintenant y’a plus de fromages végétaux, je trouve ça vraiment cool parce que j’étais une inconditionnelle du fromage. Ça me fait plaisir de retrouver des fromages végétaux qui sont sympas et plutôt bien faits. Il y a la marque VioLife et aussi tous les fromages affinés. Ceux-là vont reproduire l’aspect des camemberts ou des fromages qu’on connait. Il y a différentes marques : Tomm’Pousse, Jay&Joy, Les nouveaux affineurs, Petit Veganne… C’est très cher honnêtement, mais pour un petit plaisir de temps en temps, c’est vraiment bien. Ça se développe vraiment, un jour j’espère que ce sera moins cher pour que ce soit plus accessible à tous. En tout cas ça fait vraiment le job !
William : Nous on en a goûté à base de noix de cajou fermentée.
Camille Labrosse : Oui, en fait c’est souvent à base de cajou pour les affinés.
William : Il y a aussi un fromage comme une mozzarella, je ne sais pas c’est à base de quoi ?
Camille Labrosse : Je crois que c’est à base de riz. La marque la plus connue est mozzarisella.
William : Oui ça se met dans les pizzas et les pâtes. Il y aussi beaucoup de produits à base de soja fermenté, c’est bien pour la digestion je trouve.
Camille Labrosse : Je n’ai pas trop creusé du côté des tofus lactofermentés. Par contre, un qui est bien pour imiter le goût du fromage de brebis justement, c’est le bio life blanc grec. Celui-là, j’ai du mal à le retrouver, mais il est super.
Ensuite, sur le reste, je mange toujours mes fruits et mes légumes.
Véganiser des recettes facilement quand on est végan
Mélissandre : Et par exemple les œufs dans les recettes, comment tu fais ?
Camille Labrosse : Il y a plusieurs façons de faire de la pâtisserie. Soit, on peut soi-même véganiser les recettes qu’on connaît. C’est un peu plus difficile. Sinon il y a plein de recettes qui sont déjà véganes sur internet. Il suffit juste de suivre la liste des ingrédients comme c’est une recette qui a déjà été conçue végétalienne. Souvent ce qui est utilisé pour remplacer les œufs, ça dépend de l’effet qu’on veut. Si c’est pour du liant, du fondant ou pour aérer une pâte, on ne mettra pas la même chose. Ça peut être du fruit écrasé, de la compote, de la fécule… Ça peut même être des fois des purées d’oléagineux, tout dépend de la recette. Si c’est des crêpes, ce n’est pas pareil que pour un moelleux par exemple. C’est presque de la cuisine moléculaire en fait ! On regarde l’effet chimique qu’on veut et on cherche ensuite le bon ingrédient ou le bon mélange d’ingrédients qui va remplir cette fonction.
Pour les débutants, je recommande de prendre des recettes déjà véganes, et éventuellement plus tard essayer soi-même de véganiser les plats qu’on aime. Il ne faut pas hésiter à se lancer et faire des expériences.
L’assiette typique d’un végan pour manger équilibré
William : Tu dois beaucoup en apprendre, comme tu diversifies ce que tu manges. D’ailleurs, pour toi, une assiette typique du végan ça donnerait quoi ?
Camille Labrosse : On va dire qu’une bonne assiette, ce serait une bonne moitié de légumes, légumes-fruits, peut être moitié céréales moitié légumineuses sur le reste. Si vraiment on tient à faire la complémentarité des protéines, ce serait ça mais ce n’est pas obligatoire dans un repas. Ça pourrait être plutôt moitié crudités, fruits, légumes cuits/crus sans obligation. Ça peut être que du légume cuit comme la ratatouille, et puis à côté du riz et des haricots noirs avec une petite poignée d’oléagineux.
C’est souvent ça mes assiettes, un peu des trucs composites. Ce ne sont pas des plats qui ont un nom spécifique, mais c’est un mélange d’un peu de tout.
William : Généralement tu manges plus brute où cuit en étant végane ?
Camille Labrosse : Moi, plus cuit quand même. C’est vrai, que c’est bien d’alterner un petit peu mais c’est vrai que je ne suis pas pour ce le crudivorisme. C’est encore un truc, disons dans la même veine que le sans gluten, le sans ceci, le sans cela. Je ne pense pas que ce soit une super bonne chose de manger uniquement cru. Ça repose sur un postulat qui n’est pas tout à fait vrai, qui est que si c’est cru, c’est brut, c’est forcément comme ça qu’on est censés le manger dans la nature, donc c’est forcément bien. Ce n’est pas forcément vrai.
Il y a des nutriments qui vont se révéler et plus se développer une fois l’aliment cuit. On va aussi mieux absorber certains nutriments une fois l’aliment cuit. Par exemple la vitamine A, c’est bien avec du gras un peu cuit plutôt que de la carotte crue. Le lycopène de la tomate, on en a plus une fois qu’elle est cuite, que quand elle est crue. C’est bien de faire un panachage, de manger un peu cru et un peu de cuit. J’aime bien par exemple quand j’ai la flemme, des carottes crues, des poivrons crus, même les courgettes ça peut se manger cru. Mais, uniquement cru je ne recommande pas. Il faut manger un peu de tout.
Mélissandre : On ne l’a pas précisé c’est vrai au début de l’interview, mais tu as un master en diététique, c’est ce qui fait que tu es capable de savoir un petit peu où trouver les nutriments etc.
Camille Labrosse : Oui c’est ça. Une fois qu’on le sait, c’est la base de données dans la tête. Je ne sais pas tout, mais c’est vrai qu’on a tendance à vite enregistrer les infos. Par exemple, ça égale source de tel truc, ça égale source de tel nutriment etc. Après, on prend aussi des nouvelles habitudes, donc on connait une source principale de calcium et on va pouvoir en citer une petite dizaine d’autres. C’est intéressant de bien se documenter au départ.
A quoi faire attention quand on devient végan ?
Mélissandre : Est-ce qu’il y a des erreurs, à part la B 12 dont on a déjà parlé qu’il faut vraiment éviter de faire quand on devient végane ?
Camille Labrosse : A part la B 12 ? Bah la B12, parce que ne pas en prendre c’est une énorme erreur et ça peut être très grave. Sinon des erreurs fatales, ce serait de ne pas se documenter assez sur la nutrition. Je pense qu’il faut quand même revoir un peu ses bases, surtout quand on part de « viande 1 à 2 fois par jour et produits laitiers 3 fois par jour ». C’est bien de se réactualiser là-dessus et de faire un peu des recherches sur des supports qui sont fiables. Il faut aussi faire attention aux courants du « faut arrêter le gluten, il faut arrêter le sucre, il faut arrêter tout ». On peut vite ne plus s’y retrouver. Il faut réapprendre à manger, en prenant en compte notre envie de devenir végan. L’erreur vraiment fatale c’est la vitamine B12. Se dire qu’on en n’a pas besoin, c’est faux. On en a tous besoin.
Avec le recul, je dirai aujourd’hui, de ne pas tomber dans des choses qui dérivent. C’est un sujet un peu délicat, mais il peut y avoir beaucoup de dérives quand on devient végan. J’ai failli moi-même dériver vers un certain nombre de trucs douteux. Je pense qu’au niveau de la santé, il faut vraiment faire attention, parce qu’on peut vite partir dans des trucs sectaires, des trucs de jeûne etc…
Mélissandre : Là, tu nous en as trop dit ou pas assez !
Camille Labrosse : C’est un énorme sujet, mais on peut vite de fil en aiguille dériver vers des mauvaises pratiques. Au niveau pseudo sciences, c’est tellement large que je ne sais même pas par où prendre le truc. Tout ce qui est fenêtre vers la naturopathie, vers le bien être, je dirais vraiment d’être vigilant là-dessus et de ne pas croire tout le monde. Même les gens qui sont véganes et surtout les gens qui sont véganes ! Il faut savoir d’où ils tirent leurs infos, parce qu’après c’est difficile de faire machine arrière pour essayer de ramener les gens qui sont partis un peu trop loin dans des trucs qui n’ont rien à voir.
Tout ce qui est en lien avec le bio et le bien-être, ça n’a pas forcément à voir de base avec le véganisme. Comme on a dit, le véganisme, c’est un sujet assez bien défini, qui est politique, qui concerne les animaux, qui concerne vraiment un combat social finalement. Il ne faut pas le transformer en « Ah bah maintenant je mange cru et puis je fais du yoga ». Pour résumer, je dirais, attention à ne pas se perdre en route. Parce que je sais que c’est assez poreux, chez les véganes il y a plein de conneries qui circulent, et on peut vite adopter des idées qui sortent d’on ne sait où.
Se faire accompagner des professionnels de santé
William : Pourquoi pas aussi, si vraiment on n’est pas sûr, de se faire accompagner par un professionnel ?
Camille Labrosse : Peut-être oui. On peut aussi aller voir, même s’il n’y en a pas énormément, des diététiciens/diététiciennes qui auraient une formation à dominante végétale et qui sont au courant de ça. Ils ne vont pas nous dire de manger du lait et de la viande. Des gens qui sont formés sur ces problématiques-là, et qui ont une connaissance de comment manger végétarien correctement, ce n’est pas à la portée de tout le monde. Ça coûte quand même de l’argent un suivi.
Mélissandre : Du coup toi, avec ta formation et ton master en diététique et nutrition végétarienne, est-ce tu peux accompagner des gens ?
Camille Labrosse : Disons que pour l’État français, je ne suis pas diététicienne. J’ai une formation universitaire, mais je ne suis pas reconnue comme diététicienne donc je ne peux pas prétendre au titre en France. En France, c’est une profession qui est réglementée, il faut faire un BTS diététique ou un DUT génie biologique option diététique. Les médecins nutritionnistes, là c’est carrément des médecins qui ont fait médecine et après une spécialisation en nutrition. J’ai le titre non réglementé de nutritionniste. Tout le monde peut se prétendre aujourd’hui coach en nutrition, accompagnant nutrition, conseiller en nutrition, ce sont des titres qui ne sont pas réglementés.
Même si j’ai un master sur le sujet, remettez aussi en question ce que je vous dis. C’est toujours important de savoir d’où les gens tiennent leurs informations pour aller au cœur de l’information. En tout cas je ne suis pas habilitée à exercer comme diététicienne.
William : Je pense que tu as quand même un beau bagage, il faudrait peut-être comparer avec des cours de BTS. Après ce n’est pas illégal, ce n’est pas parce qu’on a un autre diplôme non reconnu en France qu’on ne peut pas faire ce genre de métier.
Camille Labrosse : Ce n’est pas illégal, d’ailleurs c’est comme ça qu’en toute franchise et en toute transparence, je suis déclarée en tant que conseillère en alimentation. Je recommande quand même d’aller voir des professionnels qualifiés si on souhaite vraiment avoir un suivi sur sa propre santé. La ligne que je me donne, c’est plutôt d’accompagner la transition végane. Qu’est-ce qu’on peut manger ou pas ? Par exemple comment gérer au mieux son entourage. Par contre un suivi diététique précis, ce n’est pas quelque chose que je peux faire aux yeux de notre pays du moins.
Mon master est en Espagne. Est-ce qu’avec ce master là je peux exercer ailleurs ? Je ne sais pas combien d’années d’étude équivalentes un diététicien devrait faire pour être spécialisé sur cette thématique. Par exemple j’ai un DUT génie biologique, mais option de l’environnement donc j’ai une autre option mais le tronc commun est le même. J’ai déjà des bases en biochimie, je suis quand même assez solide en biologie, mais bon je ne suis pas chercheuse et je ne suis pas médecin.
L’expérience de Camille pour être végan en pratique
« les gens pensent que parce qu’on est végan, on ne mange pas de frites«
Mélissandre : On a pas mal échangé sur tout ça, tu nous as donné beaucoup de conseils, y compris sur ton parcours personnel avec 6 ans de véganisme. Pour le mot de la fin, on a toujours l’habitude de poser une question aux personnes qu’on interview : est-ce que tu as une anecdote à me raconter sur ton expérience de végane ? Un truc un peu drôle, un peu foiré qui a pu t’arriver ?
Camille Labrosse : Ah c’est dur parce qu’il faut tout passer en revue et il s’en passe des choses. Surtout quand on fait un choix aussi marginal ! Le coup du poisson c’est végétarien, ça fait toujours un peu sourire. Souvent les gens pensent que je suis difficile comme un enfant qui est difficile pour manger. Je dis toujours que non, je ne suis pas difficile parce que j’adore manger et j’adore cuisiner. Je ne me considère pas comme quelqu’un de difficile parce que dans ma tête j’aime quasiment tout ce que je peux manger en tant que végane. Les gens disent que je suis compliquée mais suivant leur prisme de lecture en fait. Ils voient que ce qu’eux mangent et donc la plupart des choses que je ne mange pas. Et c’est assez drôle de se faire dire qu’on est « difficile ».
Une anecdote drôle, les gens pensent que parce qu’on est végan, on ne mange pas de frites. J’étais en voyage avec le travail, donc hôtel tout compris. Arrive le moment pour nous d’aller manger, donc ma collègue prend ses trucs et puis moi on me propose du riz avec des petits pois. Alors je leur dis, que ma collègue a des frites avec son burger et que j’aimerai avoir des frites. Le serveur me regarde et me dit « ah mais vous pouvez manger des frites ?? ».
Je pense qu’il y a beaucoup d’amalgames sur manger sain et manger végan. De même au boulot, ça arrive qu’une collègue me dise « Mais Camille tu manges des frites ! ». Comme si elle m’avait pris la main dans le sac ! Ça me fait assez rire, les frites, les gâteaux aussi, on peut tout refaire en version végan. Les gens pensent que parce qu’on mange plus d’œufs, on ne mange plus de gâteau ! C’est pour ça que les gens flippent, ils se disent qu’ils ne peuvent plus manger certaines choses parce que dans les ingrédients il y a un produit animalier.
Ils ne savent pas qu’on refait tout version végan : les fondants au chocolat, les charlottes aux fraises, des tartes au citron, des burgers, des kébabs, tout ce qu’on veut en fait ! Je pense qu’ils pensent qu’on supprime carrément la préparation dans son ensemble et que du coup on va se faire que des produits bruts, que des céréales, que de la salade, que des légumes, et que du coup on transforme 0 aliments.
Ça peut être compliqué quand tu es invité par exemple mais quand tu sais pourquoi tu le fais ça se passe bien. Moi je n’ai pas la sensation horrible de « Oh lala je ne mange pas ça c’est horrible ». Je n’ai pas l’impression de rater quelque chose. Quand tu as des valeurs fortes, ça aide énormément. Avec un pourquoi solide, tu as toujours un cap. Sinon quand je vois un aliment qui fait envie, je me dis plus « ah ça serait bien si je le trouvais version végane ». Je me dis que je le ferai chez moi ou que j’essaierai d’en trouver ailleurs si jamais je ne trouve pas.
Moi je le vis bien, mais je sais que pour certaines personnes c’est plus dur. C’est peut-être qu’ils n’ont pas bien défini leur pourquoi et ce qui était important pour eux. Souvent les gens qui le font pour la santé, vont peut-être avoir plus tendance à faire machine arrière. Parce que je pense que la santé ce n’est peut-être pas le truc qui va plus s’ancrer en soi. Alors que l’éthique, une fois qu’on a vu et qu’on a ressenti, c’est très dur je trouve de faire machine arrière.
William : C’est bien parce que toi, quand tu me donnes ton retour d’expérience, quand tu vois quelque chose dans la norme de notre société, tu essaies de le tourner positif. C’est pas négatif ou bloqué à cause d’une frustration. C’est génial parce que tu as ce côté positif. Je pense que c’est un bon exemple pour des gens qui se diraient « Ah oui mais si je passe le pas, comment je vais convertir ça ? Comment je vais le prendre ? Est-ce que ça va être difficile ? ». C’est une bonne mentalité à avoir qu’on a un régime comme ça.
Conscientiser ses actions pour une transition végane réussie
Camille Labrosse : Je compléterai ce que tu dis parce que ça me fait penser à quelque chose. Je pense aussi surtout dans les débuts, moi j’ai quasiment fait one shot la transition mais il y a plein de façons de faire. Il ne faut pas trop se mettre une énorme pression au début, en se disant « faut que je fasse tout parfait, tout de suite ». Il vaut mieux se dire « OK je vais commencer par-là, au lieu d’avoir du lait de vache, je vais prendre du lait de soja maintenant ». Et puis ensuite je verrai plus tard, et on peut rajouter petit à petit. En fait, ça peut être plus doux que ce qu’on pense finalement la transition. On va s’habituer à chaque étape. Il ne faut pas se dire « à partir de maintenant, ça c’est interdit ».
C’est plus malin de se dire que si un jour j’en ai vraiment envie, je vais conscientiser à fond mon action. Imaginons que je craque, je vais me rendre compte si c’est à la hauteur de ce que j’attendais. Souvent les gens sont déçus. Par exemple des végétariens qui un jour vont avoir envie de manger de la viande. Ils en mangent, et en fait ce n’était pas aussi bon que dans leurs souvenirs. Ce n’était pas à la hauteur et ça aide à avancer. C’est un bon levier parce que si on a été déçu, on ne va pas le refaire.
Je ne vais pas me cacher, ça m’est arrivé aussi dans ma transition. Ça m’arrive encore des fois. Il y a un petit truc qui traîne en salle de pause au boulot, ce croissant me fait envie mais après je suis déçue. Donc ne pas forcément se flageller si on a mangé un truc qui nous faisait envie et qu’en fait ça ne nous a pas plu. On peut ressentir peut-être un peu de la honte sur le moment par rapport à nos convictions, mais on est tous humains. On n’est pas parfait ! Quand on a pris cette décision, on fait déjà beaucoup plus que la majorité des gens et il ne faut pas l’oublier.
Ce n’est pas parce que ce jour-là j’ai mangé un bout de gâteau qui n’était pas végan, que je suis devenu un monstre et que je suis horrible. Faut juste essayer de faire de son mieux et essayer d’avancer à son rythme.
Mélissandre : C’est aussi ce qu’on essaie de transmettre comme idée sur l’écologie. Quand on débute une transition écologique et donc qu’on adopte un mode de vie différent, il ne faut pas se flageller. Il faut accepter d’être imparfait sur certains points. Le plus important c’est d’en avoir conscience.
Camille Labrosse : Comme je disais, de conscientiser ça aide énormément.
Le mot de la fin
Mélissandre : Est-ce que tu as un mot à ajouter pour clôturer cette interview ?
Camille Labrosse : Le mot de la fin ça serait d’y croire et de ne pas se dire que c’est que pour les autres. Moi je me disais, que je ne pourrais jamais arrêter la viande. Mais c’est possible ! Se dire que c’est possible et qu’on peut « passer de l’autre côté » et vivre bien. Ne pas se freiner par peur de ce que disent les gens et d’essayer de transitionner à son rythme.
Mélissandre : Merci beaucoup pour cet échange parce que c’était très riche !
Camille Labrosse : Merci c’était très sympa, je me suis bien amusée !
Retrouver le blog végan de Camille: omnitovegan.com